
L’AVIS DE LA LIBRAIRIE
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Les Chants de Kiepja est avant tout une expérience vers l’autre, cet être lointain pourtant si proche. C’est un « salut fraternel » tantôt en prose tantôt en vers aux peuples autochtones de la Terre de Feu qu’on croyait, à tort, disparus à jamais mais que l’agonie guette. Franck Doyen nous plonge dans un univers rude et dépouillé, peuplé d’esprits et d’animaux, puis fait revivre, en lui prêtant sa plume en quelque sorte, la voix de Kiepja, la chamane, limpide et lucide. Preuve si l’en est que la poésie tisse une corde de sons et de sens par-delà les âges et les géographies, sans exotisme voyeuriste.
LA CITATION (p. 47)
Chant du canot
j’ai laissé mon canot
dans la neige
et mon canot pourrit
je suis venue sur la terre pour m’endormir
et le sommeil ne vient pas
tous aboient autour de moi
je n’ai plus de place entre les bois
je n’ai plus de place sous les peaux
les arbres dansent s’étirent
ils sont puissants
les arbres dansent sous le terre
je n’ai pas de place dans les arbres
je n’ai pas de trace dans la neige
mon canot s’est endormi
depuis longtemps
depuis longtemps
mon canot pourrit

LIGNES DE FUITE, LIBRAIRIE